XV de France : le changement c’est maintenant

Quelques mois après la défaite terriblement frustrante en quart de finale de la Coupe du Monde face aux Pays de Galles, l’équipe de France de rugby ouvre un nouveau chapitre de son histoire ce dimanche face à l’Angleterre. Ce premier match du tournoi des Six Nations 2020 pour les bleus marque le début d’une nouvelle aventure, qui va les conduire au rendez-vous fixé par l’ensemble du rugby français depuis un moment : la Coupe du Monde 2023 à domicile, évènement durant lequel les bleus n’auront pas le droit à l’erreur.

 


Nouveau staff et nouveaux joueurs


Pour mener à terme cette mission complexe qui consiste à rehausser l’image du rugby français et à lui redonner le goût de la victoire, le président de la Fédération Française de rugby Bernard Laporte a décidé de complètement modifier le staff du XV de France. Exit le sélectionneur Jacques Brunel et l’ensemble de ses adjoints en poste depuis fin 2017. Place à un staff flambant neuf avec à sa tête deux hommes : Fabien Galthié, ancien capitaine du XV de France et ancien entraîneur de Montpellier ou de Toulon et Raphael Ibanez, lui aussi ancien capitaine des bleus et manager principal de l’Union Bordeaux Bègles pendant cinq ans. Le premier nommé endosse le rôle de sélectionneur et a la responsabilité du secteur sportif, le second lui occupe la place de manager de l’équipe de France. Ces deux hommes ont une grande expérience du haut niveau et sont surtout reconnus pour leurs compétences ainsi que pour leurs capacités à analyser le jeu, capacités acquises grâce à leurs passés de consultants, notamment pour les matchs du XV de France, ces dernières années.


Pour les épauler, Galthié et Ibanez se sont entourés d’entraîneurs spécialisés dans différents secteurs de jeu et ayant eux aussi de flatteuses réputations. William Servat sera en charge de la mêlée, poste qu’il a occupé avec succès jusqu’à l’an dernier avec le Stade Toulousain, champion de France 2019. Karim Ghezal s’occupera lui de la touche comme il l’a fait dernièrement à Lyon et ce, avec réussite puisque les Lyonnais étaient reconnus comme faisant parti des équipes les plus performantes de l’hexagone dans ce secteur de jeu. Laurent Labit, deux fois champion de France en tant qu’entraîneur, s’occupera du jeu des 3/4. L’Anglais Shaun Edwards aura pour mission de faire de la défense des bleus l’une des meilleures au monde comme il l’a fait auparavant avec celle des Gallois. Ce renfort de marque est à souligner puisqu’il est très rare qu’un entraîneur étranger fasse partie de l’encadrement des bleus. Enfin Thibault Giroud et Nicolas Buffa ont respectivement été nommés directeur de la performance athlétique et directeur de la cellule d’analyse.

 

Un staff riche et expérimenté qui aura en charge de guider un effectif talentueux mais relativement jeune.

 

Pour entamer ce nouveau cycle, on constate clairement une volonté de rompre avec le bilan peu glorieux des dernières années. La France n’a par exemple plus gagné le tournoi des Six Nations depuis 2010, ce qui constitue une anomalie pour ce pays de rugby, dont les clubs brillent pourtant régulièrement au niveau européen. Redorer le blason de cette équipe passe nécessairement par un rajeunissement de son effectif. Durant la dernière Coupe du Monde on a déjà pu constater que l’équipe de France dans sa globalité était une équipe inexpérimentée, dont l’ensemble des joueurs totalisait un nombre bien moindre de sélections que ceux des autres grandes nations. À la veille du premier tournoi post-mondial ce constat est encore plus frappant. Parmi les 42 joueurs figurant sur la première liste du nouveau staff, un seul a plus de 30 ans. 19 joueurs ne comptabilisent aucune sélection en équipe de France. 23 n’étaient pas présent lors de la dernière Coupe du Monde. Si le sélectionneur refuse d’admettre qu’il a fait du jeunisme, la liste qu’il a établie permet de faire un constat : le XV de France avait besoin de renouveau, de sang frais et c’est précisément ce que cette première liste amène. Elle s’appuie notamment sur certains joueurs ayant été champions du monde des moins de 20 ans en 2018, ou encore sur les joueurs en forme du moment, dont le potentiel en championnat est certain et demande désormais à être observé au niveau international dès maintenant.

 

 

 

 

Nouveau capitaine et nouveaux principes

 

Ce qui ressort des différentes interviews de Fabien Galthié et de Raphael Ibanez c’est la volonté de redonner au XV de France une identité et surtout un caractère sacré.
L’amour du maillot, voila ce que recherche en priorité le staff et ce qu’il attend de la part des joueurs sélectionnés. Leur choix a été fait en prenant grandement en considération ce critère.

Le staff a véritablement le désir de mettre en place un cadre, une identité de jeu et aussi une ligne de conduite à cette équipe, ce qui est indispensable pour lui permettre d’atteindre le sommet de la hiérarchie européenne. Avant d’annoncer la liste des joueurs retenus pour préparer le tournoi, les entraîneurs ont ainsi rencontrés les joueurs susceptibles de porter le maillot frappé du coq et se sont longuement entretenus avec eux. Le but de ces entretiens était principalement de connaître la motivation des joueurs, d’évaluer leur amour du maillot, de comprendre ce que la sélection nationale représente pour eux et ainsi de voir s’ils pouvaient faire parti du nouveau projet.

 

Ce projet est à la fois porté par des entraîneurs aux discours précis et fédérateurs, mais aussi par un nouveau capitaine au parcours singulier, qui dans l’esprit du staff illustre à la perfection les valeurs devant définir cette nouvelle équipe de France.

Ce capitaine se nomme Charles Ollivon. Il est âgé de 26 ans et joue au poste de troisième ligne, poste qui a par le passé fournit au XV de France de grands capitaines. Ce Basque originaire de Saint-Pée-sur-Nivelle ne compte qu’onze sélections, suffisantes pourtant pour en être la figure de proue de cette nouvelle aventure. Ce qui frappe les esprits des observateurs et des entraîneurs chez ce joueur ce sont ses grandes capacités sur le terrain. Il est très vite apparu comme un jour doué, ce qui lui a permis de porter le maillot tricolore très jeune, à seulement 21 ans. Charles Ollivon a en effet très vite marqué les esprits dès ses premières apparitions en club, avec Bayonne puis avec Toulon, avant de voir son ascension stoppée par une grave blessure à l’épaule contractée en 2017. Cette omoplate gauche fracturée va l’entraîner vers des mois de souffrance, à tel point qu’une fin de carrière était même évoquée. Cette annonce aurait signifié un immense gâchis pour ce joueur à fort potentiel qui représente l’avenir du rugby tricolore. Mais le Basque est solide et ne se laisse pas abattre facilement. Grâce à une incroyable force mentale et une volonté à toute épreuve, Ollivon revient sur les terrains en mars dernier, après pas loin de deux années d’enfer. 

Quelques mois seulement auront permis au troisième ligne de revenir en équipe de France et précisément pour la compétition que tout rugbyman rêve de disputer : la Coupe du monde. Une fois de plus, le Basque se bat et gagne sa place dans le groupe durant la préparation, alors qu’il était initialement appelé en tant que réserviste. Son talent, son incroyable abnégation et sa capacité à être un leader de groupe font de lui un titulaire lors des matchs importants de la compétition. Désormais, il occupe donc le rôle de capitaine, un statut qui était inimaginable il y a plusieurs mois.

 

Un premier choc pour commencer cette aventure

 

Quoi de mieux finalement pour cette jeune équipe que de commencer son histoire en affrontant le pire ennemi du rugby français : l’Angleterre. La rivalité qui nous unit avec les Anglais est tellement forte qu’elle suffit au XV de France pour entamer la compétition avec le couteau entre les dents. Cette semaine les déclarations d’avant match des Britanniques auront ajouté encore un peu plus de piment à un match qui n’en manquait pourtant pas. Leur sélectionneur Eddie Jones a notamment pointé du doigt l’inexpérience des jeunes joueurs français qui n’ont selon lui « jamais été confrontés à l’intensité et à la violence physique avec laquelle nous allons jouer ». Face à ces attaques volontairement provocatrices, le staff tricolore a répondu avec classe et ont préparé cette affrontement de manière assez sereine. Si sur le papier les Anglais partent avec une longueur d’avance, étant donné leur statut de finaliste de la dernière Coupe du monde mais aussi compte tenu de leur écrasante victoire lors du tournoi des Six Nations 2019 sur leur pelouse de Twickenham (44-8) face aux bleus, les tricolores ne manquent pas d’arguments pour pouvoir battre leur plus fidèle ennemi. 

 

La première équipe alignée par Fabien Galthié est très compétitive. S’il a pris le pari d’appeler beaucoup de jeunes pour préparer le tournoi, le sélectionneur a tout de même privilégié les joueurs ayant fait la Coupe du Monde pour démarrer cette compétition. Ils sont précisément 15 sur 23 a avoir été du voyage au Japon, avec notamment la charnière titulaire qui a été reconduite. 4 joueurs connaîtront toutefois leur première sélection ce dimanche au Stade de France, dont deux débuteront directement comme titulaires. Il s’agit des deux Montpelliérains, Mohamed Haouas au poste de pilier droit et Anthony Bouthier en tant que numéro 15, qui seront d’entrée plongés dans le grand bain. C’est avec une équipe très joueuse que se présentera le XV de France dimanche à 16h, une équipe prête à regarder le plus redoutable des adversaires droit dans les yeux.

Il est évident qu’il ne faudra pas juger cette équipe sur le résultat de ce match, surtout face à un adversaire comme l’Angleterre. Néanmoins, il émerge une certaine impatiente et un certain enthousiasme avant de voir évoluer cette nouvelle équipe de France. Comme au début de tout mandat, elle affiche de belles promesses de changement, mais cette fois ci, le projet semble sérieux et il y a de fortes raisons de penser que le changement c’est vraiment pour maintenant.

 

Crédits photo : Bertrand Guay, AFP / AFP / Franck Fife, AFP.

Mathias Babin

 

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