Wikileaks et Assange, résumé d’une longue affaire :

Lundi 04 janvier 2020, la justice britannique a refusé l’extradition de Julian Assange vers les États-Unis. Une victoire pour le journaliste cyber militant et créateur du célèbre site Wikileaks. Cette décision de justice est un énième rebondissement dans l’affaire qui secoue le monde entier depuis une dizaine d’années maintenant. Mais qui est exactement Julian Assange ? Pourquoi les États-Unis cherchent-ils absolument à juger cet homme, qui encourt 175 ans de prison ? De quoi est-il exactement accusé, et à quoi correspond Wikileaks ? Nous vous résumons cette affaire très complexe, longue et probablement éreintante pour Assange, à la fois héros adulé et espion détesté.

 

D’abord, c’est quoi Wikileaks ?

Même si son nom pourrait y faire penser, cela n’a aucun lien avec Wikipedia ! Wikileaks est une ONG fondée par Julian Assange en 2006, qui prend la forme d’un site internet et qui est toujours actif aujourd’hui. Celui-ci et décrit comme une sorte de « soutien aux lanceurs d’alerte » et/ou « la première plateforme de renseignement du peuple ». En effet plusieurs documents classifiés, les fameuses fuites ou leaks en anglais, sont publiés sur celui-ci depuis sa création. C’est de cette manière que des milliers de documents en lien avec des scandales despionnage, de corruption et de violation des droits de lhomme de la part d’une dizaine de pays (et notamment les États-Unis) ont été révélés au grand jour. Wikileaks dénoncera notamment l’espionnage de trois Présidents de la République Française (dont François Hollande) par les Américains, générant un moment diplomatique très gênant.

Il n’est donc pas surprenant que les USA en veulent à son créateur.

 

Le « créateur » , qui est Julian Assange ?

Julian Assange, né le 3 juillet 1971 en Australie, est un journaliste, informaticien et cybermilitant. Jeune, il intègre la communauté des hackers sous le pseudonyme de « Mendax ». Après de nombreuses attaques contre les institutions américaines et notamment le Pentagone, il devient un véritable militant et dénonce régulièrement le manque criant d’informations sur des sujets sensibles et top secret de la part des gouvernements. Il fonde alors Wikileaks en 2006 et le site commence à attirer les esprits en publiant des relevés bancaires de grandes banques suisses ou en révélant aussi des dossiers d’instructions américains délicats…

Depuis 2010, Assange est au cœur d’une affaire politico-judiciaire d’importance majeure après des révélations sur la manière dont les États-Unis et leurs alliés ont mené la guerre en Irak et en Afghanistan. C’est depuis cet événement (que nous allons reprendre en détail) que l’affaire Assange/Wikileaks a pris une envergure mondiale.

 

Mais c’est quoi cette affaire ?

Elle débute le 05 avril 2010, il y a presque dix ans donc. Wikileaks publie, à ce moment là, la vidéo d’un raid aérien mené par un hélicoptère d’attaque de l’US ARMY à Bagdad, le 12 juillet 2007. Un passage de celle-ci montre le massacre d’un groupe d’hommes à la mitraillette, par les pilotes de l’aéronef. Celle-ci est d’autant plus choquante que l’on peut distinctement entendre les soldats se réjouir de ce massacre, allant même jusqu’à traiter les victimes de « bâtards ».  Pourtant, aucun des 18 hommes abattus n’est militaire, il ne s’agit que de civils innocents, dont deux reporters de l’agence Reuters. C’est un véritable tollé et de nombreuses personnes demandent justice, mais Washington nie toute bavure. Le gouvernement explique que les caméras que portaient les deux reporters ont été confondues avec des lance-grenades, argument peu persuasif d’après les images (visibles sur Internet).

Dans les temps qui suivent, Wikileaks diffuse des milliers de documents relatifs aux interventions américaines en Afghanistan et en Irak. Le site d’Assange est soutenu par de nombreux journaux internationaux et présente les documents comme des preuves de crimes de guerre. D’abord, ce sont 250 000 télégrammes diplomatiques américains qui sont dévoilés, déclenchant des réactions très agressives de la part de nombreux pays. Ensuite, en 2011, le site Wikileaks accuse Washington de détention arbitraire en dévoilant les dossiers de détenus à Guantanamo…

Toutes ces accusations amènent le gouvernement américain à adopter un comportement très offensif envers le créateur du site et à saisir la justice pour espionnage. La Suède annonce aussi des poursuites, pour des accusations d’agressions sexuelles (ses partisans y voient alors une manœuvre pour tenter de l’extrader vers les Etats-Unis). Et Julian Assange finit par être arrêté au Royaume-Uni, le 7 décembre 2010, après le lancement d’un mandat darrêt international. Il nie les faits qui lui sont reprochés et est libéré sous caution. Inquiet d’être extradé vers le sol américain, il se réfugie dans l’ambassade de l’Équateur à Londres, car l’État Sud Américain lui à offert l’asile politique. Contraint à rester dans l’ambassade sous peine d’être arrêté, il y passe presque 7 ans, pendant que le site lui, continue son activité et publie de plus en plus de scandales.

Ce confinement forcé prend fin en 2019, car Lenin Moreno est élu au poste de Président de la République de l’Équateur. Faisant l’objet d’accusations sur Wikileaks,  le nouveau Président lui retire le statut de réfugié politique (du jamais vu). Il est alors arrêté par la police britannique, et est condamné à 50 semaines de prison pour non respect de sa liberté conditionnelle. Enfermé dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, appelée aussi le « Guantanamo » britannique, la santé psychologique de Assange va se dégrader. Du côté de la Suède, les poursuites pour agressions sexuelles sont abandonnées, bien que certaines informations indiquent qu’elles pourraient prochainement reprendre. Les États-Unis de leur côté, ont jusqu’à maintenant réclamé l’extradition de Julian Assange, afin qu’il soit jugé sur le sol américain.

 

Et que risque Assange ?

Les États-Unis accusent Julian Assange d’espionnage, en plus d’avoir mis en danger des personnes travaillant avec le gouvernement américain. Ces accusations reposent notamment sur la publication des milliers de documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques du pays (comme explicité plus haut). Il risque donc en théorie jusqu’à 175 ans de prison. Et de nouvelles preuves contre le fondateur de Wikileaks ont été présentées dernièrement par les Américains, notamment l’engagement de hackers pour observer les activités gouvernementales de nombreux pays.

La question de la culpabilité de Julian Assange reste cependant particulièrement compliquée. Depuis la création du site, plusieurs journaux ont participé (et participent encore) aux dénonciations de Wikileaks et son créateur. De plus, des associations telles que « reporter sans frontières » ont régulièrement apporté leur soutien plein et entier à l’homme, dénonçant une atteinte aux droits de la presse et dexpression. Cette participation active du monde journalistique aux affaires de Wikileaks, et le fait même que Julian Assange soit journaliste pourrait poser un problème à la justice américaine. En effet s’il est pénalement reconnu d’une manière ou d’une autre qu’Assange mène des activités de reporter, les américains se retrouveraient dans une situation pénible. Car, cela signifierait que les différentes administrations américaines ayant poursuivi Assange ont directement porté atteinte au 1er amendement de la constitution américaine sur le droit d’expression et d’information…

 

Le jugement du 4 janvier…

Avec ce nouveau jugement interdisant l’extradition, ce n’est pour autant pas un grand soulagement car l’affaire Assange/Wikileaks n’est pas finie. L’arrivée de Biden à la Maison Blanche, pourrait tout faire basculer brusquement. De plus, cette affaire révèle une zone d’ombre, pourtant déjà bien connue de nos démocraties occidentales. Les libertés de la presse, de même que d’expression sont-elles vraiment respectées ? Et dans le sens inverse, peuvent-elles être totales, au point de mettre en danger la stabilité des États et même la vie de certaines personnes ? Aussi, sera-t-il possible qu’un jour nos gouvernements, censés être transparents dans leurs décisions, le soient réellement, y compris dans les dossiers militaires et diplomatiques assortis du tampon « top secret » ? Rien n’est moins sûr…

 

Romain Gruet

Crédits photos : REUTERS/Toby Melville / Jack Taylor/AFP /Henry Nicholls/REUTERS

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