Martin Fourcade : Le GOAT déchausse ses skis et range sa carabine

Au revoir Monsieur. Samedi 14 mars 2020, 13h45, départ de la dernière course en carrière de Martin Fourcade. 10 ans après sa première victoire en coupe du monde, le biathlète a décidé de mettre fin à sa carrière sur le même site où tout a commencé : Kontiolahti (Finlande) . Entre adversité et succès, retour sur le parcours du biathlète français.

Petit frère de…

Dans une fratrie rien n’est jamais facile entre disputes et jalousie, il est parfois difficile d’assurer un climat de paix au sein du domicile familial. Quand on a des ambitions communes c’est encore plus compliqué. Le jeune catalan a grandit aux côtés de ses deux frères Brice et Simon. Chez les Fourcade, le sport de glisse est une institution, qu’il s’agisse de snowboard, de skate ou de wakeboard pour Brice le benjamin ou de biathlon pour les deux plus grand. Simon, de 4 ans son ainé est synonyme de modèle pour Martin qui le voit revenir à la maison avec des médailles autour du cou. C’est dans l’adversité familiale que Martin Fourcade trouvera sa voie, identique à son frère Simon : le biathlon.

De l’idole au concurrent, il n’y a qu’un pas. La concurrence sportive a un temps pris le dessus sur les liens familiaux. Aux Jeux Olympiques de Vancouver en 2010, les frères Fourcade sont rivaux, tout deux à la quête d’une médaille olympique. Dans l’ombre de son frère, Martin Fourcade fait forte impression, il monte sur la deuxième marche du podium et décroche l’argent olympique. Un exploit pour celui qui est sur le circuit seulement depuis 2 ans et dont on espère seulement un bon résultat. La médaille, elle était prédestiné à son frère grand favori chez les français. Les émotions sont très dur à retenir chez Simon, l’orgueil prend le dessus. La défaite pure et dure s’ajoute au fait que l’idolatré d’hier est détrôné par… son petit frère.

Aujourd’hui la rivalité familiale est une histoire ancienne. A l’annonce de Martin Fourcade sur sa fin de carrière, Simon est revenu sur ce moment troublant pour les deux biathlètes en s’adressant directement à son petit frère dans un long message et terminant avec un joli “Pardon et Merci”.

Fourcade au sommet

Ces jeux Canadiens feront office de déclic chez le biathlète qui envisage maintenant une carrière professionnelle sur la durée. Les années suivantes, il sera annoncé favori pour le globe de cristal. Il enchaînera les victoires et confirmera son nouveau statut de leader de l’équipe de France. Les Jeux Olympiques, seront une nouvelle fois le théâtre des performances de Martin Fourcade. À Sotchi, en 2014, il s’impose par deux fois sur le sprint et la poursuite. Et décroche ses deux premières médailles d’or olympiques. Le catalan en veut plus. La course reine, la mass start elle est pour lui. Le scénario sera différent… Le feu au pied, le français est rapide sur les skis mais manque une balle et s’en sort avec un 19/20 au tir. Son rival de l’époque le norvégien, Emil Svendsen lui n’en rate aucune. Tout les deux doivent alors s’arracher au sprint final. Il faudra une photo-finish pour les départager. Le norvégien s’impose mais Fourcade prendra sa revanche…

Le double champion olympique remporte par la même saison son 3ème globe de cristal synonyme d’une première place au classement général de la coupe du monde 2013 / 2014, 4 autres suivront.

Décidément, les Jeux accueilleront chaque fois Martin Fourcade à bras ouverts. En 2018, à Pyeongchang, il est choisi pour être porte drapeau lors de la cérémonie d’ouverture des J.O. Chapeau, pour un sport diffusé à la télévision depuis peu Martin Fourcade a fait de son sport un délice télévisuel et s’en trouve remercié en Corée du Sud.

La performance sportive ne sera pas en reste puisqu’il décroche deux nouvelles médailles d’or individuelles sur la poursuite et la mass start. La dernière fera fortement écho à celle de Sotchi face au norvégien Emil Svendsen. Cette fois-ci, c’est avec l’Allemand Simon Schempp qu’il devra attendre le dénouement à la photo finish d’un sprint incertain. 14 cm lui permettront de repartir avec l’or autour du cou.

C’est en équipe qu’il ira chercher la dernière médaille olympique de sa carrière sur le relais mixte, reflet d’un collectif solide et performant. Avec cette cinquième médaille d’or, Martin Fourcade devient alors le sportif français le plus titré aux Jeux Olympiques tous sport confondus.

2018 / 2019 : une saison à oublier

La régularité n’est pas dissociable de Martin. La constance permet à tout athlète d’atteindre le plus haut niveau. A l’apogée de son sport l’année précédente, la saison 2018 / 2019 s’avèrera laborieuse pour le pyrénéen. Fatigué tant mentalement que physiquement, Fourcade ne retrouve pas son biathlon. Il choisit de faire une impasse sur la tournée nord-américaine pour se repréparer et arriver en forme sur les championnats du monde Östersund. Sans succès, Fourcade ne remportera aucune médaille en Suède. Il finira 12ème du classement général de la coupe du monde, son pire résultat en carrière depuis 10 ans.

Fourcade écourte sa saison dans la foulée renonçant à la dernière étape norvégienne d’Oslo. Il laisse alors la place à un certain Johannes Bø qui réalise son premier grand chelem en remportant tous les globes de cristal.

Comme un lot de consolation, il fait son entrée au musée Grévin fin mars 2019 ne faisant pas oublier ces échecs de la saison. Aujourd’hui, il se confie, “Ça a sans doute été le plus gros défi de ma carrière” dit-il en faisant écho au retour à l’entraînement frustrant mais rigoureux de l’été dernier et à l’effort fourni pour revenir plus fort la saison suivante.

Sa dernière saison : le départ du géant du biathlon

Après une saison 2018 / 2019 plus que difficile, le biathlète entame cette nouvelle année avec de nouvelles ambitions : retrouver de bonnes sensations sur la piste et derrière la carabine. Un mois après le début de la compétition, Martin Fourcade renoue avec la victoire en s’imposant sur l’individuelle d’Östersund après un an de disette. Sur le podium, il est accompagné de trois de ses coéquipiers, Simon Desthieux (2e), Quentin Fillon-Maillet (3e) et Emilien Jacquelin (4e). Une victoire collective d’anthologie pour l’équipe de France. En janvier, il goûte de nouveau au podium et célèbre la 80ème victoire individuelle de sa carrière. Les sensations sont de retour sur les skis mais aussi au niveau du tir. À Ruhpolding, Fourcade réalise un sans-faute sur trois courses consécutives, le 60/60, toutes les cibles sont blanchies.

Aux championnats du monde à Antholz, Fourcade nous fait encore vibrer, il décroche deux titres ; l’individuelle et le relais mixte. Une nouvelle fois, le collectif de l’équipe de France leur permet de décrocher la victoire sur le site italien lors du relais masculin. Un torrent d’émotion pour le catalan qui le poussera à prendre la décision “J’ai pris cette décision le jour du relais à Antholz. Le relais français masculin attendait ce titre depuis dix-neuf ans. Quand les larmes me montent en répondant à la chaîne l’Équipe. J’ai compris que c’était le signal, qu’il fallait que je passe à autre chose.” Il l’annonce aux médias avant la dernière course de sa carrière, vendredi dernier. Un choc pour les spectateurs qui voyaient le retour de Martin en haut de l’affiche comme l’assurance d’une fin de carrière lointaine.

Le lendemain, samedi 14 mars 2020, il prend alors le départ à huis-clos de sa dernière course et la remporte haut la main avec 17/20 au tir devant deux français, Quentin Fillon-Maillet et Emilien Jacquelin. Chaque athlète, à leur arrivée, passe par la case Fourcade et remercie celui qui a fait briller leur sport pendant plus de 10 ans. Sa victoire, il la célèbre comme à son habitude avec son 83ème et dernier “petit saut”. Un dernier podium 100% tricolore pour son départ, que demander de plus ? Un 8ème gros globe ? Ce n’est sans compter sur le norvégien Johannes Bø qui termine 4ème et remporte son 2ème gros globe en carrière à deux points du français. Le biathlète repartira quand même avec le petit globe de l’individuelle et du sprint portant à 33 son nombre de globes remportés

Le roi est mort vive le roi

Ah ces norvégiens… que ça soit au début de l’ère Fourcade ou à la fin de sa carrière, le quintuple champion olympique à toujours été accompagné de norvégiens.  Les légendaires Ole Einar Bjørndalen, Johannes Bø, Tarjei Bø ou encore Emil Svendsen, tous ont côtoyé Martin Fourcade et ont fait office d’adversaires redoutables face au français. Dernièrement, le duel franco-norvégien se jouait entre le monstre Johannes Bø et Martin Fourcade. Chaque années le norvégien monte en puissance profitant de la saison manquée de Martin pour prendre son envol et décrocher son premier grand chelem. Fair-play avec son principal rival sur sa fin de carrière Martin Fourcade affirme qu’il souhaite que Johannes batte ses records, il ajoute “ça me rendra encore plus fier de l’avoir battu”.

Le futur de l’équipe de France sans Fourcade ? On est face à une équipe masculine très solide et régulière. Le plus jeune, Emilien Jacquelin est en pleine éclosion, lui qui a célébré ses premières victoires en coupe du monde cette saison. Ces efforts ont été couronnés de succès aux championnats du monde d’Antholz dont il repartira avec le titre sur la poursuite. D’autres, déjà dans le circuit depuis plusieurs années ont aussi les capacités pour rivaliser face au mur norvégien. À l’image de Quentin Fillon-Maillet et Simon Desthieux respectivement 3ème et 6ème du classement général cette saison. Oui c’est donc possible. “Je sais qu’ils n’ont plus besoin de moi pour le faire” déclare Martin. Une équipe de France qui ne présage que du positif pour les futures saisons sans leur pilier.

C’est alors une page qui se tourne, un livre qui se ferme et un autre qui s’ouvre. L’histoire d’un athlète qui a su faire connaître son sport, lui apporter suspense, dynamisme et surtout un palmarès hors du commun : 83 victoires, 33 globes, 5 titres olympiques et bien d’autres. Lui, souhaite laisser plus que des résultats : “j’espère que l’image et le souvenir que je laisserai seront plus profonds que ça en raison de ce que j’ai voulu apporter à mon sport, la façon dont j’ai voulu créer une histoire collective au milieu d’une carrière individuelle”. Au revoir Monsieur.

Noa Darcel

Crédits photo : AFP

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