L’ère Trump est-elle vraiment révolue ?

Toujours dans l’attente des derniers bulletins de vote, pas encore dépouillés, les États-Unis sont sous pression. Comme le monde entier. Qui de Donald Trump ou de Joe Biden sera élu 46ème président des États-Unis ? Après une campagne présidentielle insolite, menée durant une période de pandémie mondiale qui aura accentué les convictions et les contradictions des candidats, nous devons attendre encore quelques jours avant de connaître définitivement le nom du grand gagnant. La Covid aura également modifié les habitudes de vote des citoyens : au moins 100 millions d’électeurs ont voté par correspondance, raison pour laquelle le dépouillement est plus long que d’habitude. Retour sur cette campagne sous haute tension.

Les élections américaines, comment ça marche ?

L’accès à la Maison Blanche n’est pas donné à qui veut. Les potentiels candidats doivent respecter et remplir plusieurs conditions, dictées par la Constitution, avant de pouvoir prétendre à la présidence des États-Unis : être né(e) aux États-Unis, avoir au moins 35 ans et habiter aux États-Unis depuis 14 ans.

Dans une dizaine d’états, les délégués d’un parti sont désignés à la suite d’un caucus. Comité électoral, le caucus rassemble les militants locaux d’un parti qui choisissent, au cours de petites assemblées électorales, les délégués qui les représenteront dans les réunions au niveau du comté, puis du district. Les délégués sont ensuite envoyés à la convention nationale du parti. Pour les états qui ne fonctionnent pas avec un caucus, les délégués sont désignés après une primaire. On parle de primaires « ouvertes », auxquelles chaque citoyen, quelle que soit son appartenance politique, peut participer, ou de primaires « fermées » : seuls les électeurs inscrits sur la liste du parti peuvent voter.

Lorsque les étapes de caucus et de primaires sont passées, les délégués désignés d’un parti sont envoyés aux conventions nationales : les délégués décident alors officiellement de leur ticket (président et vice-président) et votent le programme du parti. Les campagnes peuvent alors commencer.

Le rôle des Grands Électeurs, représentants d’un état, est crucial puisque le vote du collège électoral respecte la logique du « winner-takes-all ». En d’autres termes, lorsque les Grands Électeurs, 538 au total, votent pour un ticket, le candidat gagnant dans un état rafle les voix de tous les Grands Électeurs de l’état. C’est d’ailleurs pour cela que Donald Trump est passé devant Hillary Clinton en 2016 : le nombre de Grands Électeurs pour Trump était plus élevé que celui pour Hillary Clinton. Si certains états sont représentés par des Grands Électeurs dont l’appartenance politique est homogène et revendiquée (soit clairement républicain soit clairement démocrate), d’autres sont plus mitigés, on parle alors de Swing States. Ce sont ces états, ces Swing States qui peuvent inverser les tendances au dernier moment lors d’une élection présidentielle.

Que retenir des années Trump ?

Donald Trump restera sans doute l’un des présidents américains les plus controversés de l’Histoire. Lorsque qu’il investit son mandat le 20 janvier 2017, après avoir battu la démocrate Hillary Clinton en novembre 2016, Donald Trump fait une entrée spectaculaire dans le monde politique avec des promesses à rallonge et un discours apocalyptique. « Make America Great Again », « America First », certes, mais également « le bain de sang américain s’arrête ici et maintenant ». Presque autoproclamé comme le Messie, quelles ont été ses promesses et qu’en reste-t-il, quatre ans après ?

On se souvient du mur entre les États-Unis et le Mexique. On se souvient des promesses de diminution voire de disparition du chômage sur le territoire nord-américain. Trump promettait de changer la gestion des flux-migratoires, du libre-échange international, de l’élitisme politique et lobbyiste de Washington. Promesses radicales, polémiques, alarmantes mais pas tenues. Malheureusement selon certains, heureusement pour la majorité.

Trump a tout de même agi durant ses quatre années de mandats. Ou n’a pas agi d’ailleurs… Notamment sur la législation des armes aux États-Unis : même face à la pression des manifestations des américains, choqués et effrayés après une série d’attentats, Trump a refusé de modifier fondamentalement les lois sur le port d’armes. Seulement un élément a été interdit : le bump stock, un accessoire pouvant équiper une arme à feu semi-automatique pour lui donner un fonctionnement proche d’une arme automatique.

C’est aussi 68 lois environnementales qui ont été supprimées en toute discrétion par le gouvernement de Trump. Mais il est vrai que l’environnement, la crise écologique et le réchauffement climatique n’étaient pas les priorités du 45ème président des États-Unis, comme l’a montré le retrait des USA du Traité de Paris en 2017. En parallèle, les normes d’émissions des voitures ont été assouplies, les centrales électriques peuvent émettre davantage de gaz à effet de serre, les sites d’extraction de pétrole et de gaz peuvent à nouveau libérer du méthane (nocif) et les forages pétroliers sont désormais autorisés dans une réserve naturelle en Alaska.

Concernant son mur, près de 500 km de frontière entre le Mexique et les États-Unis ont été renforcés (sur 3 145 km au total), et seulement 50 km ont été emmurés. Néanmoins, même sans mur, la politique radicale de Donald Trump a contribué à réduire aussi radicalement le nombre de migrants illégaux. Quant à la migration légale, les visas et l’entrée sur le territoire américain sont beaucoup plus difficiles à obtenir qu’auparavant. Son discours a aussi entraîné une explosion des tensions raciales au sein du pays. Violences policières, QAnon, Proud Boys, George Floyd, Black Lives Matter, ces termes résonnent dans le monde comme signe et preuve de la fracture sociale américaine.

Pas en avant pour les prisons et les prisonniers avec le First Step Act. Plus grande réforme du droit pénal depuis 25 ans, le First Step Act doit « mettre fin à la surpopulation dans les prisons, et surtout profiter aux minorités ». Autre point, le pays a bien connu une baisse d’impôts historique, la réglementation des banques s’est assouplie et Trump a effectivement réussi à faire baisser le taux de chômage dans son pays, qui était de 3,7% en 2019. Le PIB, lui, a connu une croissance de 2,7% de 2017 à février, freiné par la crise sanitaire actuelle.

D’ailleurs, la très mauvaise gestion de la Covid-19, dû notamment au démantèlement de l’Obamacare et également au quasi-négationnisme de Trump vis-à-vis du virus a entraîné une multiplication des cas qui place les États-Unis numéro 1 sur le podium des pays les plus touchés par la Covid. Conséquences : crise économique et surtout crise sociale avec des citoyens qui ont vu, impuissants, leur filet social s’amincir de plus en plus face à une précarité croissante.

Le bilan des années Trump est donc plus que mitigé, plus que controversé : faut-il retenir les avancés ou les reculs ? Faut-il retenir la croissance économique ou la radicalité du président ? Faut-il retenir la baisse du chômage ou l’augmentation des tensions raciales ?

 

Campagnes mouvementées

Donald Trump et Joe Biden se sont placés en leaders incontestés de la campagne présidentielle 2020 après les primaires. Il y avait pourtant deux autres candidats : la libertarienne Jo Jorgensen, avec Spike Cohen, et l’écologiste Howie Hawkins, avec Angela Nicole Walker.
C’est Mike Pence et Kamala Harris qui se placent, quant à eux, vice-présidents de, respectivement, Donald Trump et Joe Biden.

Le démocrate Joe Biden et le républicain Donald Trump sont au moins d’accord sur un point : une bonne campagne est une campagne qui coûte cher. 1,3 milliards de dollars, c’est le montant dépensé par chacun des candidats pour leur campagne.

La stratégie de Biden a été de se rapprocher de la vision hyper-progressiste des démocrates actuels : pas forcément jeunes et pas si à gauche. 83% des dépenses de la campagne de Joe Biden ont donc été consacrés à des spots publicitaires sur Facebook, notamment pour toucher les plus de 45 ans. Biden mise aussi sur l’importance des valeurs, lors de son tout premier discours en tant que candidat à la présidentielle de 2020, il dit : « Nous devons choisir l’espoir plutôt que la peur. L’unité plutôt que la division ». Son programme s’est d’ailleurs adapté après un accord avec Bernie Sanders, candidat conservateur en lice qui s’est désisté pour donner un maximum de chance à son parti.

La campagne de Donald Trump est, tout comme lui, haute en couleurs et démesurée. Spot publicitaire au Super-Bowl, discours sur le même ton radical, et bien d’autres. La campagne de Trump repose surtout sur l’attaque des démocrates, de Biden et des « ObamaBiden ». Donald Trump attrape la Covid en octobre : il en sort encore « plus fort qu’à ses 20 ans », ce qui rallie et conforte encore plus ses partisans, qui voient en Donald Trump le symbole d’une Amérique forte et indestructible.

Avec un premier débat extrêmement violent, les deux candidats se sont affrontés en perdant quelques fois leur sang-froid. Joe Biden échappe un « Will you shut up, man ? » au bout de quelques minutes. Donald Trump expose le problème de drogue de Hunter Biden, le fils du candidat démocrate. Bref, un débat qui dépasse les frontières de la politique. Le second débat, quant à lui, a été étonnamment bien plus calme et mesuré.

Au terme de la campagne des deux candidats, les sondages annoncent, avec 9 chances sur 10, Joe Biden gagnant. Mais aucune erreur n’est à écarter : Hillary Clinton était également gagnante selon les sondages...

 

Résultats mitigés

Si Biden est annoncé gagnant par les sondages, un retournement de situation est possible.
Depuis hier soir, les premiers votes ont été découverts. Pour l’instant, Biden est en tête : 238 Grands Électeurs pour le démocrate contre 213 pour Donald Trump.

Plusieurs états n’ont pas encore dévoilé les résultats, le comptage des votes par correspondance étant plus long. Il faudra donc attendre cette fin de semaine pour connaître le résultat définitif de ces élections présidentielles. C’est bien ce qui pose problème à Donald Trump, qui crie déjà victoire et qui la réclame surtout. Trump appelle ainsi la Cour Suprême à imposer l’arrêt de la comptabilisation des voix, car au point actuel, il remporterait les élections par rapport au nombre de Grands Électeurs qui le soutiennent. Néanmoins, le vote à distance n’étant pas une nouveauté aux USA, il est bien mentionné dans la Constitution américaine que le dépouillement peut durer plusieurs jours.

Les résultats sont tout de même très serrés. Les états dont les résultats définitifs sont encore attendus peuvent inverser toute la balance : on parle de la Caroline du Nord, de la Géorgie, du Michigan, du Nevada, de la Pennsylvanie et du Wisconsin.

Alors, Trump se trompera-t-il ? Biden fera-t-il un bide ?

 

Camille Hurcy

Crédits photos : Huffington Post – Pépère mag – Camille Hurcy – The Associated Press

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Camille Hurcy

Étudiante en 3ème année Information-Communication. Spécialisée dans la rubrique Politique et Société. Quelques rattrapages à mon actif, quelques mots dans le Pop'Cast. Contact : cam.hurcy@gmail.com