L’émergence d’Atlanta comme foyer du Rap US 

Avant d’évoquer Atlanta (Géorgie), métropole du Sud-Est des Etats-Unis, pour son rayonnement récent dans la scène du rap ; il semble intéressant de regarder rapidement son histoire. Elle prend sens à la fin du XIXè siècle, durant la guerre de Sécession, lorsque la ville est reprise aux sudistes par les nordistes suite à leur victoire capitale de la bataille d’Atlanta (justement). Les Sherman (soldats nordistes) brûlent les lignes ferroviaires et y font construire plus tard des grandes routes qui placent aujourd’hui la ville et surtout sa banlieue comme ligne de passage quasi obligatoire pour rejoindre la côte Est du pays. Ce qui en fait un lieu de deal privilégié et reconnu comme tel. Ajoutez à cela un contexte social pauvre (la « vraie » galère) et vous avez le triangle magique : drogue, galère, et rap. La ville s’est donc muée comme place de drogue (le crack particulièrement) mais aussi de rap jusqu’à être aujourd’hui considérée comme « nouveau foyer du rap US ». Il s’est vu transformé par l’apport de ces trappeurs dans leur « trap house » – leur domicile qui fait office de studio d’enregistrement. Leur productions sont majoritairement enivrant, rythmée, avec des basses profondes et beats travaillés. Elles ont offert au rap US un nouvel élan en le démocratisant et en le rendant plus accessible à un public jeune. Qualifié de trap en lien avec le « piège » que constitue à leur yeux le quartier, leur contexte social dans lequel ils se sentent bloqués, isolés et y voient une obscure fatalité. Il regroupe un grand nombre d’artistes dont les trois suivants, choisis par mes plus grands soins : Gucci Mane pour son règne, Migos pour son succès commercial et 21 Savage pour son univers sombre. 

                 

Gucci Mane est aujourd’hui considéré comme le père du genre, de par son ancienneté, son talent et sa passion. Il commence à être repéré dans les années 2000 par un producteur majoritaire, Coach K. Peu après, Gucci Mane sort un grand tube avec un autre poulain du fameux coach : « So Icy », en featuring avec Young Jeezy. Depuis, il a connu un succès retentissant avant de tomber dans l’illégalité la plus profonde et de faire quelques aller retour en prison. Il oscille aujourd’hui entre le trou et la trap (sans pour autant perdre sa productivité) et change de style, pour se muer en père de la trap, se montrer relativement innovateur et sortir des tubes comme « I Get the Bag » avec Migos, « P**** Print » avec Kanye West ou encore « Check On Me » avec Future. Il est aussi réputé pour sa vocation de dénicheur des jeunes trappeurs talentueux – comme le montre son dernier featuring avec Lil Pump (17 ans) dans « Youngest Flexer”. Il a en effet un réseau relativement étoffé et connaît beaucoup de monde, par qui il est reconnu comme étant une référence dans le genre. 

 

 

Il a notamment travaillé avec Migos un collectif (métissé) et armé qui fument et trappent dans leur « trap house ». Leur trap est rythmée, vivante et entraînante. On leur doit des hits tels que Versace, Bitch Dab ou encore Bad and Boujee. Ils ont la particularité d’être moins sombre et donc plus accessible et enthousiasmant que leur concurrents. 

 

Les trois (Quavo, Offset et Takeoff qui constituent le groupe) ont percé dans le game en 2013 grâce à « Versace », élu 3è meilleure musique du millésime par le magazine XXL. Ils ont, depuis collaboré avec les plus grands (ou commerciaux) : Asap Ferg, Justin Bieber – pas si grands finalement – Katy Perry, ou encore… Gradur et Lacrim dans « L’Homme au Bob » et « Money ». Ce qui est, évidemment un signe de grande réussite dans le milieu. Quavo, Offset et Takeoff enregistrent aussi seuls, et ne sont pas indissociables (à la manière d’Asap Mob, en gros). 

Enfin, le dernier de ma courte liste est sûrement moins réputé mais non moins talentueux : 21 Savage. Il exerce une trap pour le coup vraiment atmosphérique, triste, planante et lente ; à tel point que tournent des parodies de lui qui rappe à moitié endormi avec sa bouteille de lean… Il est tombé dans le deal dès ses 16 ans, après une jeunesse marqué par des décès dans sa famille. Le jour de ses 21 ans éclate à sa soirée une « guerre de gang » dans laquelle il prend 6 balles (oui oui, solide) et perd ses deux meilleurs amis. A son retour de convalescence, il s’isole et rappe à outrance, avec ses airs tristes, mélancoliques et envoûtants (dans « Real Nigga » par exemple). Ses plus gros hits sont notamment « X » (Feat Future), « No Heart » ou plus récemment « Bank Account ». Il travaille avec Metroboomin, fameux beatmaker respecté et reconnu pour son talent. 

 

 

Il faut bien comprendre aussi que la caractéristique même du genre est d’être multiple et accessible, il y a donc un florilège de sons, d’artistes au succès plus ou moins grand, ce qui rend quasi impossible un listing représentatif du genre. L’émergence de la trap est permise notamment grâce à des plateformes musicales telles que YouTube ou Soundcloud qui permettent aux plus jeunes de se faire un nom avant de sortir des albums. Il s’agit juste de faire un rapide tour d’horizon pour présenter ou décrire un genre qui s’impose aujourd’hui comme le future du rap US. Il se diffuse aussi au delà des frontières américaines et influence même des artistes français comme Booba, 13 block, ou encore Niska qui entendent diffuser la trap en France (avec succès).

RS
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