Egypte : Liberté en péril

Soumise à une censure draconienne ces derniers mois, l’Egypte a franchi un nouveau cap de répression la semaine dernière. Ce dimanche 24 novembre, le gouvernement du président Sissi s’est attaqué au média Mada Masr, considéré comme le dernier bastion de la presse indépendante. Trois journalistes ont été arrêtés puis libérés, en toute fin de semaine face à la pression internationale insistante.

 

 

Chaque fois que les voix s’élèvent, le despotisme du régime égyptien se mobilise pour les réduire au silence. Mada Masr considéré comme « un modèle de travail journalistique » par ses confrères du média libanais Al-Modon, ne le sait que trop bien. Les autorités ont en effet mené ce dimanche 24 novembre en début d’après-midi, un raid à l’encontre du site d’information crée en juin 2013. La perquisition a donné lieu à la confiscation des téléphones et des ordinateurs de la rédaction (avant, finalement qu’ils soient restitués) ainsi qu’à l’arrestation de trois de ses membres à savoir Lina Attallah, Rana Mamdouh et Mohammed Hamama. Deux diplomates français se sont d’ailleurs rendus sur place pour éviter que la douzaine de policiers armés n’abusent de leur pouvoir.

 

Déjà, plus tôt dans le week-end, la répression avait commencé à l’encontre du média avec l’arrestation de l’un de ses rédacteurs en chef, Shady Zalat, dans son logement au Caire. Ce dernier avait finalement été remis en liberté avec « délicatesse » au milieu d’une route déserte.

 

Officiellement, les raisons de ces arrestations sont la lutte contre le terrorisme et la diffusion de fausses informations, officieusement de lourds soupçons portent sur une censure politique. Cette perquisition survient effectivement 4 jours après la publication d’une enquête sur Abdel Al Sissi, le fils du président qui occupe un poste diplomatique à Moscou et dont on pointait une mauvaise gestion politique durant l’exil du businessman égyptien Mohamed Ali.

 

 

Comment s’opère la censure Egypte ?

 

Si l’Egypte connaît un pic d’intimidations et d’arrestations en cette année 2019, cela fait cependant de nombreuses années qu’elle met en place des stratagèmes pour étouffer les voix discordantes ou simplement critiques. Témoignant d’un régime toujours plus autoritaire et d’une rapide déchéance de liberté, l’Egypte est placée 161ème dans le classement World Press Freedom Index 2018 de Reporters Sans Frontières. Un comble pour l’un des premiers pays pionnier dans l’impression et la libre circulation de l’information… Il n’existe d’ailleurs plus à proprement parler de médias libres dans le pays de la reine Cléopâtre, si ce n’est peut-être le média Mada Masr en omettant le fait que son site Internet soit actuellement indisponible à moins d’y accéder avec une connexion VPN (Virtual Private Netwok). Aujourd’hui toute l’information diffusée est contrôlée rigoureusement par le régime, à commencer par la radio et la télévision qui sont en grande partie dominées par le groupe The Egyptian Media Group (EMG) qui serait financé par les services secrets égyptiens. Il en va de même avec la presse papier qui est soit contrôlée par des hommes d’affaires proches du gouvernement soit par le gouvernement lui-même à l’instar du groupe Al-Ahram Establishment. Outre cela, certains qui malgré tout, ont voulu faire leur travail de journaliste l’ont payé de leur vie, c’est le cas du rédacteur en chef Reda Helal qui officiait au sein du groupe et qui n’a jamais été revu depuis sa disparition en Juillet 2003.

 

En ce qui concerne les arrestations des journalistes, un rapport publié sur le site d’Amnesty international accuse le pouvoir judiciaire de « détentions arbitraires » mais aussi de légitimer les « disparitions forcées, les actes de tortures et autres mauvais traitements ». Plus récemment, l’arrestation des journalistes Solafa Magdy et de son mari Hosam El Sayyad, vendredi 29 novembre, montre que l’état justifie les détentions au nom de la lutte Anti-terroriste. Reporters Sans Frontières rappelle d’ailleurs que près de 32 journalistes se trouveraient actuellement en prison pour la « défense de la sécurité nationale ».

 

Mais au-delà d’une censure interne au pays, les journalistes français, également, sont victimes de la Vendetta égyptienne, le journaliste Remi Pigaglio correspondant pour RTL et La Croix en avait fait les frais en 2016, expulsé après avoir été retenu à l’aéroport par les autorités du Caire. Il avait déclaré alors : « Je n’ai jamais su, et ne sais toujours pas pourquoi cette décision d’interdiction d’entrer sur le territoire a été prise ». Enfin, il semble important de rappeler que les personnes qui doivent faire face en première ligne à cette répression sont les citoyens et cela est d’autant plus vrai depuis les vagues de manifestations de septembre 2019. Le président avait par ailleurs, prévenu qu’une nouvelle révolution comme celle du « Printemps arabe » ne se renouvellera pas. « Ceux qui croient répéter ce qu’il s’est passé il y a huit ans (..) ne me connaissent pas bien ». Notons que 60 000 opposants seraient emprisonnés actuellement dans le pays des pharaons.

 

 

Crédits photo : ©Franceinfo

 

Kylian Prevost

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