Capharnaüm, un film poignant !

Je veux attaquer mes parents en justice pour m’avoir mis au monde. ” La phrase, déjà culte, sort tout droit du film dramatique libanais Capharnaüm, réalisé par Nadine Labaki, dont nous allons parler.

Le film, actuellement dans nos salles de cinéma depuis le 17 octobre, est en sélection officielle au Festival de Cannes 2018 et est primé trois fois: le Prix du Jury, le Prix du Jury œcuménique et le Prix de la Citoyenneté.

Il s’agit de l’histoire d’un petit garçon qui regrette d’être venu au monde car le sien n’est rempli que de violence et de misère. Il en veut tellement à ses parents qu’il les attaque en justice. La réalisatrice Nadine Labaki incarne elle-même le rôle de l’avocate durant les scènes du procès. Son ambition est de faire de Capharnaüm “une vibrante plaidoirie pour l’enfance laissée-pour-compte“. Ce garçon, Zain, a une douzaine d’année, il ne connait pas exactement son âge exact car il n’a pas été déclaré à sa naissance. Il vit avec sa famille dans un taudis paumé à Beyrouth, où tout n’est que bruit, poussière et gravats. Le loyer est payé par le dur travail et l’exploitation des enfants. Les principales activités de Zain se résument à trafiquer des médicaments pour sa mère ou mendier avec sa petite sœur, sur laquelle il veille seul.

Affiche du film

Quand la fillette d’à peine 11 ans est vendue en mariage par leurs parents à un homme de 30 ans, Zain, écœuré et en colère, fuit en hurlant sa rage. Maintenant il faut survivre. Il finit par rencontrer une immigrée éthiopienne, Rahil, qui a accouché d’une petite fille en secret afin de ne pas se faire expulser. Commence alors l’itinéraire de deux enfants livrés à eux-mêmes, le grand s’occupant de la petite, plus fragile.

Zain est un peu l’Oliver Twist des rues de Beyrouth, à la recherche d’une vie meilleure.

Il faut s’attendre à un tourbillon d’émotion, un film sans répit, pas joyeux mais touchant. Nadine Labaki s’est imprégnée longuement de l’environnement et de nombreux récits et témoignages de vie pour parler du sort des migrants, sans papiers, de la maltraitance des enfants et de divers trafics, le tout sans jamais être indécent, avec pudeur, tact et sincérité. On reste pendant deux heures avec ce jeune garçon, incarné par Zain Al Rafeea, né en 2004 en Syrie et immigré en 2012 au Liban. Un garçon qui a eu une expérience de vie très similaire à celle du personnage, ce qui rend son interprétation d’autant plus juste et sincère. La famille de Zain, qui vivait dans la pauvreté, a entre-temps trouvé refuge en Norvège où il peut maintenant aller à l’école et vivre une vie normale.

Depuis Cannes, la cinéaste a dit espérer que le “happy end” ne se limite pas à l’écran et se produise dans la réalité. « Il y aurait encore tellement à faire, mais au Liban, depuis sa sortie en septembre, Capharnaüm a au moins lancé un débat. »

Justine Dehaese

Photo: Farès Sokhon

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