Bolsonaro : coupable ? lui ?

Bolsonaro : coupable ? lui ?

Crime contre l’humanité, prévarication*, ou encore charlatanisme : Jair Bolsonaro fait l’objet de 9 chefs d’accusation concernant sa gestion de la pandémie de Covid-19. Révélées dans un rapport de près de 1200 pages ce mercredi dernier, ces dénonciations viennent conclure 6 mois de recherches de la part de la Commission d’Enquête Parlementaire Brésilienne. Malgré les 600 000 morts du Covid-19 dans le pays, on pouvait s’y attendre : le président d’extrême-droite nie les faits…

Des accusations accablantes

Déforestation amazonienne, crises politiques… Depuis son élection, Jair Bolsonaro ne menait déjà pas un mandat irréprochable. Mais visiblement, le président n’était pas au bout de ses manquements. C’est désormais sa gestion dite « criminelle » de la pandémie de Covid-19 qui est pointée du doigt par la Commission d’enquête sénatoriale. Durant plusieurs mois, les Brésiliens ont pu suivre en direct à la télévision cette commission avant qu’elle ne rende son rapport, mercredi 20 octobre dernier. Jusqu’à la dernière minute, celui-ci a été négocié et renégocié entre les sénateurs membres de la commission. Pendant un temps présents au nombre de 11, ce sont finalement 9 chefs d’accusation qui ont été retenus contre le président – les notions d’ « homicide » et de « génocide » des populations indigènes, largement victimes de la pandémie, ayant été retirées. Néanmoins les accusations restent conséquentes, et le président n’est pas le seul incriminé. Plusieurs médecins, anciens ministres de la santé et des affaires étrangères, des figures politiques et religieuses, ainsi que trois fils du président sont également visés par l’enquête pour avoir répandu de la désinformation concernant la pandémie. Au total, 66 personnes et 2 entreprises sont mentionnées dans ce rapport. Mais le dirigeant d’extrême-droite reste le principal concerné.

La gestion pandémique désastreuse de Bolsonaro et son gouvernement

De nombreuses personnes font partie de ce rapport, mais Jair Bolsonaro et son gouvernement en sont les principales cibles. La Commission d’enquête vise notamment la lenteur du gouvernement dans l’acquisition des vaccins. Selon le New York Times, celui-ci a ignoré plus de 100 courriels de la part de Pfizer et choisi à la place de surpayer un vaccin Indien non approuvé par les autorités de santé. En outre, les négociations d’achat de ces vaccins auraient fait l’objet de tentatives de corruption ignorées par Bolsonaro. Le gouvernement est également soupçonné d’avoir permis à des mutuelles de santé de promouvoir des traitements inefficaces contre le virus. Des sociétés privées, comme Prevent Senior, ont ainsi encouragé le traitement précoce à base d’hydroxychloroquine alors même qu’il était déconseillé par l’OMS. Conséquence : ce type de traitement a été librement prescrit au Brésil auprès de nombreux patients, entrainant parfois leur mort. Le rapport de la CPI (Commission d’Enquête Parlementaire) qualifie ces prescriptions médicales d’expériences sur « cobayes humains ». Ces faits, le corps médical ne semble pas le démentir. En effet, durant une interview pour le journal 20 Minutes, Bruna Morato, avocate de plusieurs médecins de la mutuelle Prevent Senior, affirme que les diagnostics médicaux ont été changés pour plusieurs patients décédés des suites du traitement à l’hydroxychloroquine. Le but de cette manœuvre était de cacher aux familles des victimes la cause de la mort de leurs proches. Mais les accusations ne s’arrêtent pas là pour le gouvernement, qui est également accusé d’être responsable de la pénurie d’oxygène ayant causé le décès de dizaines de personnes par asphyxie. Une véritable déshumanisation du peuple Brésilien qui ne semble pas préoccuper son président.

Un président dans le déni

Tant face à la pandémie que face à ses accusations, Jair Bolsonaro semble indéfiniment dans le déni. En avril 2020, alors que la propagation de la Covid-19 s’accélérait, le président qualifiait la maladie de « grippette ». Simultanément, celui-ci décourageait le port du masque et encourageait les rassemblements de masse – un discours anti-confinement lui aussi pointé du doigt par la Commission d’enquête. Aujourd’hui, c’est l’ensemble des chefs d’accusation qui lui sont associés que le président nie résolument. Il affirme, en prenant parole pour son gouvernement et lui-même : « Nous ne sommes responsables d’absolument rien, nous savons que nous avons fait ce qu’il fallait dès le début. ». Le 21 septembre dernier, lors de la COP26 menée à l’ONU, il déclarait aussi « Nous respectons la relation médecin-patient dans le choix du médicament à utiliser et de son utilisation hors indication. » Ces dénis à répétition ne font qu’accabler encore davantage les Brésiliens, notamment les familles des victimes, qui se sentent ignorées par le président. Mais en réalité, que Jair Bolsonaro nie les faits ou non, il est fort probable qu’il ne soit pas inculpé. En effet, la Commission d’enquête ayant rendu son rapport n’a aucun pouvoir. C’est en réalité le Parlement et le Procureur général, tous deux partisans du dirigeant, qui rendront leur décision.

Même si Jair Bolsonaro ne finit pas inculpé suite à ces accusations, les prochaines élections présidentielles s’en rappelleront certainement. Ce rapport s’ajoute en effet à la pile d’éléments qui pèsent en défaveur du président. Alors qu’ils tendent plutôt à voter pour Luiz Inacio Lula da Silva – l’ancien président de gauche – les Brésiliens manifestent déjà depuis plusieurs mois pour la destitution de l’actuel dirigeant d’extrême-droite. Au vu des sondages, il ne reste probablement que quelques-mois avant que leur slogan « Bolsonaro dehors ! » ne devienne réalité.

 

*Prévarication : grave manquement d’un fonctionnaire, d’un homme d’État, aux devoirs de sa charge (abus d’autorité, détournement de fonds publics, concussion). [source : Dictionnaires le Robert]

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